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Hebdo N°10 - Vendredi 12 mars 2021

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L’avenir de nos filières céréalières et oléagineuses passera (aussi) par la mise en place de mesures d’ajustement carbone aux frontières pragmatiques

L’agriculture européenne fait partie des agricultures les plus vertueuses sur le plan climatique et environnemental et cela, nous le savons, ne fera que se renforcer avec les ambitions du « Green Deal ». En tant que professionnels sur le terrain, nous sommes et serons les premiers à subir les effets du changement climatique. Nous sommes également engagés vers la neutralité climatique de l’Europe en 2050, en diminuant nos émissions, en produisant des biocarburants, et surtout en augmentant le « puits de carbone » offert par l’agriculture. On l’oublie trop souvent : seul, le secteur agricole peut naturellement, tout en produisant nos aliments, remplir cette mission de stockage de carbone pour l’ensemble de la société. Cela ne se reflète pas toujours dans les médias, mais de tels projets se montent partout en Europe malgré des revenus souvent à la baisse.

Mais à être toujours en première ligne, il y a un risque certain de devenir un héros mort. L’agriculture est un marché mondialisé, nous le savons aussi, et particulièrement les producteurs européens de grandes cultures qui, à l’exportation comme sur le marché intérieur, vendent leurs grains au prix mondial car le marché européen est grand ouvert. Or, l’un des principaux risques auquel notre agriculture va devoir faire face en appliquant le « Green Deal », c’est un dumping climatique de la part de pays qui iront moins vite, volontairement ou involontairement. En céréales et oléagineux, nos principaux concurrents sont la Russie, l’Ukraine, le Brésil, l’Argentine. Agir contre le réchauffement climatique en Europe est une chose, convaincre nos partenaires commerciaux de s’y engager aussi vite et aussi fort en est une autre.

J’en suis convaincu, toute différence de moyen ou d’ambition climatique entre l’Europe et ses concurrents sera dévastatrice pour notre agriculture. C’est le principe des fuites de carbone. Notre agriculture deviendrait ce héros mort: elle ne produirait que des aliments de luxe, et sa production serait simplement remplacée par des aliments produits ailleurs sans contrainte climatique. Et la planète n’y gagnerait rien. A l’inverse, si elles y sont incitées, toutes les agricultures du monde pourraient concourir à cette nouvelle mission climatique. C’est là qu’interviennent le marché du carbone et la politique commerciale.

Dans ce contexte, nous soutenons l’idée mettre en place une mesure d’ajustement carbone aux frontières pour les produits agricoles.

Le principe est simple : imposer un prix pour le carbone contenu dans les marchandises importées permettrait d’éviter la délocalisation vers des pays appliquant des exigences climatiques moins strictes. La mesure paraît évidente sur le papier mais la réalité est beaucoup plus complexe car elle met en jeu la politique climatique européenne et des règles du commerce international.

Pour être concret sans trop rentrer dans les détails, le principal mécanisme de la politique climatique européenne est le système européen d’échange de quotas d’émission (ETS) qui existe depuis 2005 et impose à nos grandes industries de payer un prix pour chaque tonne de gaz carbonique qu’elles émettent. Ce système, qui ne concerne pas l’agriculture, est critiqué car, pour éviter les fuites de carbone, c’est-à-dire la délocalisation de nos raffineries ou aciéries, elles reçoivent des droits d’émission gratuits ce qui fait chuter le prix des quotas sur le marché européen du carbone, donc l’efficacité de la politique climatique. Pour sortir de ce cercle vicieux,

l’Europe envisage de supprimer les droits d’émission gratuits et de les remplacer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : les entreprises étrangères qui exportent des marchandises vers l’UE paieraient elles aussi les quotas d’émission au même prix que sur le marché européens, en fonction du carbone émis pendant leur processus de production. Avec le double avantage de contribuer au financement de la politique climatique et d’éviter la concurrence déloyale et les fuites de carbone en Europe.

On le voit, cette MACF est vue comme au complément au système ETS, auquel elle est intimement liée. Dans les projets européens, elle s’appliquerait donc à tout ou partie des industries soumises à l’ETS, comme l’électricité, le ciment, l’acier, l’aluminium, les raffineries de pétrole, le papier, le verre, les produits chimiques et les engrais. Et elle exclurait l’agriculture. Et si la mesure d’ajustement carbone voyait le jour en incluant les producteurs d’engrais tout en excluant les agriculteurs, alors la situation deviendrait vite intenable.

Si la mesure d’ajustement carbone aux frontières ne concerne pas les produits agricoles, elle ne doit pas non plus s’appliquer aux engrais

Les engrais azotés sont l’intrant le plus important dans la production végétale et constituent le principal poste de coût variable pour nos exploitations. Or le prix des engrais est déjà plus élevé en Europe qu’ailleurs, car notre marché des engrais est protégé par des droits de douanes et des mesures antidumping qui coûtent 600 millions d’euros par an aux agriculteurs européens. Si à cela venait s’ajouter un mécanisme d’ajustement aux frontières, le prix des engrais s’envolerait, ce qui augmenterait encore plus les coûts de production agricoles en Europe, tout en rendant plus compétitif et attractif le recours à des aliments importés. Au final, la mise en place de ce MACF uniquement sur la matière première principale de la production végétale serait une injustice et conduirait à l’effet inverse de celui recherché, à savoir une fuite de carbone de l’agriculture européenne. En somme un parfait exemple de double peine pour l’agriculteur, difficilement justifiable vis-à-vis de nos citoyens.

Je tiens à attirer l’attention sur ce point essentiel : soit il faut inclure l’agriculture et ses filières aval dans le futur mécanisme d’ajustement aux frontières, soit les activités d’agrofourniture et particulièrement les engrais azotés doivent en être exclues également, sous peine de retirer toute compétitivité à notre agriculture. Plus un système est complexe et plus son équilibre est fragile, c’est pourquoi le monde agricole doit aussi être entendu dans ce débat qui s’annonce essentiel, il en va ni plus ni moins que de la survie de nombreuses productions agricoles et notamment céréalières oléagineuses.

Producteurs

de grandes cultures en difficulté



Les grands oubliés de la solidarité nationale !

L’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP prennent note de la décision du Gouvernement d’accompagner les éleveurs bovins de race à viande ayant dégagé un revenu inférieur à 11.000 euros en 2020. Si on ne peut que saluer une telle décision, elles tiennent à faire part de l’incompréhension de nombreux producteurs de grandes cultures qui vivent pourtant des situations similaires.

Conscients des très graves difficultés que traverse notre pays et que subissent nos concitoyens avec cette pandémie, l’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP rappellent que les producteurs de grandes cultures, en dépit de revenus moyens en berne depuis maintenant huit ans, ont tenu à assurer l’essentiel, à savoir l’approvisionnement des filières. Ils sont fiers d’avoir pleinement rempli ce qui est leur mission première : nourrir les femmes et les hommes.

Cependant, avec l’augmentation continue des charges, des contraintes et une récolte 2020 catastrophique, la réalité est que près de 60% des producteurs de grandes cultures ont un revenu annuel inférieur à 1 smic !

Ils sont donc aujourd’hui atterrés de se voir ainsi oubliés de la solidarité nationale !

L’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP ne peuvent accepter l’indécence d’un tri entre les situations d’extrême gravité. Elles tiennent à dire avec la plus grande fermeté qu’elles sont solidaires de tous les agriculteurs en difficulté et demandent que les mesures d’accompagnement prises les concernent tous, sans distinction de filière ou de territoire. Elles soulignent enfin que si le Gouvernement maintenait le cap tel qu’il vient de le définir, il prendrait le risque d’exacerber des tensions et d’inciter à des réactions dont notre pays n’a vraiment pas besoin.

Aussi, Eric Thirouin, Président de l’AGPB, Daniel Peyraube, Président de l’AGPM, Franck Sander, Président de la CGB et Arnaud Rousseau, Président de la FOP, appellent le Premier Ministre et le Ministre de l’Agriculture à remédier dans les plus brefs délais à cette situation aux effets désastreux et à veiller à ce que les prochaines annonces sur la Politique Agricole Commune ou le Plan Stratégique National tiennent pleinement compte de la réalité des situations des différentes filières et territoires et soient justes, équilibrées et économiquement viables, à l’image des propositions portées par la FNSEA.